La taupe de mon jardin a-t-elle une âme ? Une conscience ?

Nous avons souvent du mal à penser notre rapport aux animaux. La plupart du temps on se contente de leur attribuer des besoins et des instincts, mais rarement une âme ou une raison. L’instinct de cette fichue taupe dans mon jardin, c’est de creuser des kilomètres de terre !

 

 

Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. Dans bon nombre de sociétés prémodernes, on pensait que certains animaux étaient dotés de pouvoirs dont ne disposaient pas les humains : pouvoirs de communiquer avec Dieu (voire d’être un demi-dieu), pouvoir de deviner l’avenir, de raisonnement suprasensible, etc. Ainsi, les animaux divinisés abondent dans les religions de l’Égypte Ancienne, de l’Inde, du Nouveau-Monde, et même dans la Grèce antique[1].

 

C’est décidé, je porte plainte contre ma taupe !

Au moyen Âge, on incluait même les animaux dans le « royaume de Dieu » et on pensait qu’ils étaient doués de raison ! Cette raison leur donnait des responsabilités envers les autres animaux et même envers les humains ! Il existait des procès pour animaux : par application de ce principe, dès qu'un animal commettait un méfait, l'autorité compétente se saisissait de la cause. Le délinquant était incarcéré dans la prison du siège de la justice criminelle qui devait connaître de l'affaire, procès-verbal était dressé, et l'on se livrait à une enquête très minutieuse. Le fait étant bien établi, l'officier du ministère public, près la justice seigneuriale, requérait la mise en accusation de l'inculpé[2].

 

Ma taupe est une machine ?

C’est avec l’apparition des religions monothéistes puis de la philosophie moderne et du rationalisme que les animaux ont définitivement perdu ce statut. Ce sont principalement les thèses de René Descartes et de ses successeurs qui sont à l’origine de la conception moderne de l’animal-objet (Chapouthier, 2000). Pour Descartes, les corps, celui de l’homme comme celui de l’animal, sont des machines. Mais l’être humain, contrairement à l’animal, échappe à son statut de pure machine parce qu’il possède aussi une âme. C’est le « dualisme » cartésien de l’âme et du corps.[3]

 

L’éthique animale, qu’est-ce que c’est ?

Il existe un courant en philosophie, l’éthique animale, qui tente de déconstruire cette représentation cartésienne des animaux. Non seulement, les animaux sont des êtres sensibles, mais il se pourrait qu’ils soient (certains ou tous) doués de conscience. C’est ce que défendent par exemple celles et ceux en faveur de droits spécifiques pour les grands singes. Ces animaux ont un tel niveau de ressemblance sur le plan psychique, physique et neurologique avec les humains que l’on doit les protéger avec des lois spéciales.

Pour d’autres, il faudrait même élargir ces lois à l’ensemble des animaux : des scientifiques internationaux renommés ont signé le 7 juillet 2012 une Déclaration de conscience des animaux. Elle établit que « les humains ne sont pas les seuls à posséder les substrats neurologiques qui produisent la conscience. (...) Tous les mammifères, les oiseaux, et de nombreuses autres créatures, comme les poulpes, possèdent aussi ces substrats neurologiques »[4]. « Les éléphants coopèrent pour trouver des solutions. Les rats estiment plus urgent de délivrer leurs congénères enfermés que de savourer des friandises. Les chimpanzés apprennent à leurs petits à fabriquer et à utiliser des outils pour casser des noix. Les grands singes, les dauphins, les cochons, les éléphants et même les pies se reconnaissent dans un miroir, test classique de la conscience de soi que les enfants ne réussissent pas avant 18 mois. Les moutons se souviennent de l'itinéraire pour sortir d'un labyrinthe pendant plusieurs mois, les poules communiquent à l'aide d'un répertoire de plus de 30 sons différents. D'année en année, les progrès de l'éthologie invalident les représentations discriminantes sur lesquelles nos relations aux animaux sont construites. Il est d'ailleurs à parier que notre compréhension des capacités cognitives et des mondes mentaux des autres animaux n'en est elle-même qu'à ses débuts. »[5]

 

Les droits de la taupe

Ce que vient remettre en question l’éthique animale, c’est l’idée que pour bénéficier de droits il faut avoir des devoirs. Or, on ne peut attendre que les animaux aient des devoirs envers nous. Cette éthique propose donc que des agents moraux puissent obtenir des droits (qui les protègent de la déforestation, de l’homme en général) quand bien même ils n’auraient pas de devoirs.

 

Bande de spécistes !

Enfin, le terme spécisme a été créé par l’éthique animale pour désigner l'idéologie qui considère que la vie et les intérêts des autres animaux peuvent être méprisés simplement parce qu'ils sont d'une autre espèce[6]. Vous pourrez donc traiter de spéciste votre voisin si vous l’apercevez en train d’assommer la taupe de votre jardin à coup de pelle !

 

Nous avons terminé ce petit tour d’horizon de l’éthique animale, mais si vous avez plus de questions voici un taupe 3 des livres à vous procurer :

 

  • Éthique animale, de JeanBaptiste Jeangène Vilmer aux éditions PUF.
  • La libération animale de Peter Singer aux éditions Payot.
  • Philosophie animale de HichamStéphane Afeissa aux éditions Vrin.

 

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